27 août 2011
Mater Tenebrarum
Réalisation : Dario Argento
Pays : Italie
Année : 1980
Durée : 107 minutes
Imdb : tt0080923
Rose Elliot (Irene Miracle), poètesse résidant à New-York, découvre dans un vieux livre l'histoire des Trois Mères et de leur trois demeures, construites à Rome, New-York et Fribourg. Convaincue que son immeuble abrite l'une d'entre elles, Rose écrit une lettre à son frère Mark (Leigh McCloskey), étudiant en musicologie à Rome, et lui demande de la rejoindre. Mais lorsqu'il arrive à New-York, Rose a disparue. Il fait alors la connaissance des habitants de l'immeuble et du quartier et poursuit les recherches de sa soeur. (Affiche visualisable en cliquant sur le logo).
"Elles vont par trois, comme soeurs et comme Mères, comme les trois Muses, les trois Grâces, les trois Destinées et les trois Furies. Le terrain de chacune de leurs bâtisses dégagera des pestilences qui empuantiront les alentours. C'est la première clé de leur secret. En vérité, la clé première. La deuxième clé du secret des Trois Soeurs est cachée dans leur cave. Là se trouve la photo et le nom de chacune des Soeurs. C'est là que se trouve la seconde clé. La troisième clé est sous la semelle de vos chaussures. Voilà pour la troisième clé" E. Varelli
Dire que Suspiria a été un succès est un euphémisme. Après sa trilogie animale, puis un certain Les Frissons de L’Angoisse (Profondo Rosso), Suspiria était l’entrée dans le fantastique pur après les gialli. C’est clair, fin des années 70, Dario rules the world ! Il est devenu incontournable et tout le monde attend avec impatience le prochain film du maître. Et ça tombe bien car juste quelques mois après le bouclage de la première marâtre incapable d’enfanter, l’ami Dario se plonge dans l’écriture d’un second film consacré aux Trois Mères.
Mais la chose n’est pas aisée. En effet, niveau pression c’est le maximum car une «suite» au sublime Suspiria c’est aussi bandant que casse gueule. Attendu par la critique et son public au coin du bois le Dario. Puis en plus, c’est qu’il n’est pas du tout au meilleur de sa forme niveau santé. Le maestro italien rencontre même un gros problème pour finaliser son scénario. Mais qui va lui venir en aide pour finaliser la chose ? TADAM !!! Daria Nicolodi pardi ! Une fois de plus sa muse et compagne va contribuer au chef d’œuvre qu’est Inferno (oups, j’ai vendu la mèche).
Rose (Irene Miracle), sublime et refusant la pub pour soutiens-gorge
Pas de bol pour Daria, son rôle si prépondérant ne sera pas crédité au générique. Après l’épisode Suspiria où elle n’a su qu’à la projection si elle était ou non créditée au générique en tant que co-scénariste (et ayant menacé Dario avant la projection dans les salles), la belle Daria n’aura pas la chance de voir son nom apparaître ici. Ne voulant pas revivre le climat électrique qu'elle a vécu sur le premier volet des Trois Mères pour être créditée, elle ne menaça pas Dario cette fois-ci. De là à dire que Dario Argento est un ingrat, il n’y a qu’un pas que… je franchis allègrement. D’accord, je suis plus attiré irrésistiblement par Daria que par Dario, mais faut pas déconner quand même.
Il faut aussi parler de la 20th Century Fox (Fox Film à l’époque) et de son rôle. C’est cette grande société de production cinématographique qui avait distribué Suspiria dans les salles US sous la bannière International Classics. Dans une version R-rated (censurée quoi) mais qui a connu un certain succès. C’est donc 20th Century Fox qui donne son accord pour co-financer la production d’Inferno, le côté lucratif ne leur ayant pas échappé. Mais comble du comble, Inferno ne sortira pas dans les salles aux Etats-Unis, les pontes du studio n’ayant pas compris le film !
Y a pas à dire, en 1980 s’il fallait trouver un endroit pour sonner les cloches, c’était bien aux Etats-Unis dans les locaux de la 20th Century Fox. Si Suspiria était basé sur la sorcellerie, Inferno quand à lui est basé sur l’alchimie. Et c’est cette base qui donne au film un côté mystérieux et énigmatique, un cauchemar éveillé complètement halluciné que les costards cravates n’ont pas saisis. Cerner Inferno n’est pas facile car en étant si proche de Suspiria (les Trois Mères) il est aussi tellement différent !
Elise Stallone Von Adler (Daria Nicolodi) femme esseulée
Oui je sais, les (més)aventures de Suzy Bannion vous ont littéralement fait prendre votre pied niveau branlette rétinienne (mais où je vais là ? le culte m’égare). Mais avec Inferno, c’est l’explosion, terminé la branlette et place à l’orgasme rétinien ! Et ce grâce à Romani Albani (photographie) qui n’a pas voulu reproduire les couleurs si particulières de Suspiria mais qui là va nous faire profiter de toutes les tonalités du bleu et du rose. Alors oui, sortez vos fourches mais je m’en fous, Inferno est encore plus beau esthétiquement que Suspiria.
Dario Argento a une fois de plus réussi à fort bien s’entourer. On retrouve d’ailleurs Lamberto Bava en tant que premier assistant à la mise en scène ainsi que son père, l’inconnu Mario Bava (ben quoi, on peut plus déconner ?), qui a participé aux effets spéciaux ainsi qu’à l’élaboration de certains décors. Chose importante, ici ce n’est plus le groupe Goblin pour la musique du film mais Keith Emerson qui va fournir un excellent travail avec surtout un thème musical fabuleux et que l’on se surprend à fredonner par la suite «Mater… Suspiriorum… Lachrimarum… Tenebrarum…». Chopez la BO et faites comme moi, direct dans l’autoradio.
Puis au niveau des acteurs, on a plaisir à retrouver Alida Valli qui sera ici gardienne de l’immeuble ainsi que Daria Nicolodi dans le rôle d’une comtesse hypocondriaque affublée d’un valet pas très recommandable. Ah oui, niveau petit clin d’œil bien cool, on retrouve Fulvio Mingozzi. Pardon ? Qui c’est celui- là ? Souvenez-vous dans Suspiria du chauffeur de taxi qui conduit Suzy à la Tanz Akademie. Et bien c’est encore lui que l’on retrouve toujours en tant que chauffeur de taxi et qui conduit cette fois-ci Sara (Eleonora Giorgi) à la bibliothèque.
Une manucure s'impose non ?
Oui Inferno est riche, très riche même. D’ailleurs on se demande même au fil du récit qui est le personnage principal. Est-ce Rose ou plutôt son frère Mark (James Woods avait été envisagé par Dario Argento mais malheureusement ce ne fut pas possible niveau planning) qu'elle appelle à la rescousse ? Ou encore Sara, une amie de Mark ? Et si au final le personnage principal du film n’était pas tout simplement l’une des trois créations de l’architecte londonien E. Varelli, c'est-à-dire l’immeuble même où réside la plus jeune et la plus cruelle des Trois Mères, Mater Tenebrarum ?
C’est bien l’immeuble le personnage principal avec son côté labyrinthique et ses pièces cachées. C’est même en son sein que va se dérouler la scène mythique faisant penser à Alice au Pays des Merveilles lorsque Rose va s’engouffrer dans ce qui semble au premier abord une simple flaque d’eau afin de récupérer ses clés. Un moment culte, inoubliable. Durant tout le métrage on sent que quelque chose de maléfique plane et peut se manifester à chaque instant et ce même en dehors de l’immeuble. Et ce n’est pas le vieil antiquaire infirme Kazanian (Sacha Pitoëff) qui pourra dire le contraire…
Mais là où Inferno fait aussi très fort, c’est dans l’apparition de deux personnages incontournables. Dario Argento va nous montrer deux choses importantes. La première, début du spoiler c’est que nous allons faire la connaissance de E. Varelli, vous savez celui qui a écrit ce livre qu’il vaut mieux ne pas chercher et encore moins posséder fin du spoiler. Enfin et surtout la seconde, nous allons faire la connaissance d’un personnage qui du fait de son apparition fait dire à Luigi Cozzi (réalisateur et collaborateur de Dario Argento) que les Trois Mères est un diptyque.
Inutile de résister, vous êtes envoûté !
Moi aussi, à la première vision du film j’avais tilté sur ce personnage et je pensais que la boucle était bouclée avec Inferno. Car pourquoi parler de trilogie et de film manquant ? Pourquoi réclamer un troisième film afin de voir la troisième Mère, Mater Lachrimarum alors… alors que celle-ci est déjà présente dans Inferno ? Ben oui, réfléchissez un peu. Mark est à Rome à son cours de musicologie et il voit un personnage étrange. Il se sent bizarre et ce personnage disparaît aussi mystérieusement qu’il est apparu.
Cette mystérieuse femme au chat incarnée par la magnifique Ania Pieroni que l’on retrouvera aussi dans le prochain film de Dario Argento Ténèbres (mais en brune cette fois-ci dans le rôle d’une petite voleuse nommée Elsa Manni) est Mater Lachrimarum ! Emilio Varelli, Mater Lachrimarum… ça en fait des informations riches à ingurgiter pour les amoureux du concept des Trois Mères ! Je ne peux que vous inviter à (re)découvrir Inferno, film magnifique d’une richesse inouïe avec ses meurtres bien graphiques et qui mérite d’être plus populaire qu’il ne l’est face à Suspiria.
Plus d'images du film, c'est ici.
Commentaires
dans la filmo d'Argento, Inferno reste un cru souvent méconnu et/ou sous-estimé. A redécouvrir pour ma part.
à Alice in Oliver
En effet, et sa non disponibilité en dvd depuis des lustres n'y est pas étrangère non plus. Heureusement que maintenant il est disponible chez l'éditeur Wildside.
Après l'avoir revu très récemment en blu-ray (grâce à Wildside justement), je suis de ceux qui disent qu'Inferno s'est bonifié avec le temps et qu'il est toujours aussi beau, même plus ! Merci au blu-ray, ça change de la VHSMon frangin m'a offert son DVD Blue Underground... Tout fier et convaincu que ce sera une tuerie même s'il ne sera pas aussi bien que Les frissons de l'angoisse, je le fous dans mon lecteur DVD et je le mate.
Bin, la, je viens de remater Les frissons de l'angoisse et mon estime du film à totalement changé... Ce film, qui, je trouvais, atteignait des sommets en termes de grandiloquence, de baroque et de beauté visuelle, se fait en réalité atomiser sans les mains et sans les pieds par ce que je considère à ce jour comme le meilleur de Dario Argento : Inferno, alors oui je n'ai vu que celui-ci, Les frissons de l'angoisse, Suspiria et L'oiseau au plumage de cristal (qui est une tuerie malgré des problèmes de rythme.) mais putain quelle baffe!
Magnifique visuellement, Inferno m'a fait très très flipper, notamment la toute première scène (celle dans l'eau), monument de suspense et de mise en scène qui ne peut que laisser admiratif... Inferno est également un film très abstrait, dont Fulci s'est sans doute inspiré pour son Au-dela tant l'ambiance s'en rapproche, évidemment les deux films n'ont rien à voir mais le rapprochement est facilement faisable tant ils adoptent la même construction... Les meurtres s'enchainent avec une brutalité sans précédent mais aussi avec un manque de cohérence déconcertant, pourtant, c'est loin d'être un défaut, bien au contraire, cela confère au film une ambiance et un charme tout particulier qui fait que dès que j'aurai la possibilité d'utiliser la télé HD qui m'attend dans mon salon je vais me depêcher de remater ce film en boucle histoire d'attendre le Blu-Ray!Très bon post comme toujours.
Je viens de mater le blu ray.
Ce qui m'a frappé dans le film c'est la couleur et la texture du sang. On dirait de la peinture. Du coup, le coté tableau saute au yeux. C'est Piet Mondrian (coté abstrait, couleur et géométrique) qui rencontrerait Jackson pollock (coté jaillissement du sang).
Un peu déçu sur la piste audio tout de même...à J-Daemon
"Ce qui m'a frappé dans le film c'est la couleur et la texture du sang. On dirait de la peinture. Du coup, le coté tableau saute au yeux."
Exact, comme Suspiria d'ailleurs
"Un peu déçu sur la piste audio tout de même..."
A quel niveau ? Moi je suis un vieux con, le mono me suffit à la limite, je suis pas exigeant genre installation dernier cri qui veut du gros sonOui, en effet, j'avais loupé pas mal de détails en rédigeant ma critique, peaumé dans la campagne (et donc incapable de faire des recherches plus poussées sur le film). Merveilleux article qui rend à Daria Nicolodi son tribut et qui émerveille nos petits avec ces magnifiques screenshots. Je le reverrai, car je ne me rappelais pas que le film était aussi coloré que Suspiria. En tout cas, beaucoup d'infos à assimiler en une critique, et un vrai plaisir pour tous les fans du film.
Merci
Opera est bien évidemment prévu à l'avenir... Suspiria, Inferno, 4 Mouches de Velours Gris, Ténèbres et Phenomena sont déjà sur le blog, pour moi la priorité à l'avenir est pour L'Oiseau au Plumage de Cristal, Les Frissons de L'Angoisse et Terreur à L'Opéra. Après je pourrai faire une sacrée pause avec DarioPuis le Chat à Neuf Queues à traiter aussi...